mercredi 12 août 2009

Brouillon lettre au medecin...

Docteur,

Mon esprit et la raison voulaient que je vous ecrive il y a presque 3 mois . Mon cœur en a décidé autrement.
La difficulté d 'ecrire cettre lettre, de faire remonter à la surface ces derniers instants auprès de mon oncle, revenir sur ces jours et mois écoulés qui ont tant fait saigner mon cœur et mes pensées, c’est encore un bouleversement important.. C’est remettre à vif cette cicatrice qui a tant de mal à se refermer …
J'ai décidé de me laisser du temps et il me semble qu’ un bon témoignage doit être doté d'une bonne dose d’impartialité pour arriver à avancer dans ce domaine si complexe de la gestion de la douleur chez un patient atteint d'un cancer en fin de vie , la prise en charge palliative et cela en service d'oncologie. Trop encore à vif, je ne suis pas sûre de ne pas « déraper », de ne pas m’ égarer … et surtout de ne pas « amplifier » ma blessure intérieure .
Cela étant, je souhaite tout de même vous faire part d'une certaine expérience.
Serge Riondet, 50 ans, mon pncle, est déclaré malade en novembre 2007, un cancer pulmonaire avec des métastases cérébrales et surénales. D'entrée de jeu, sa force, son enthousiasme et sa volonté de guerison par tout les moyens en sa possession sont envisagés.
Serge, pour des raisons personnelles m'avait choisit comme personne de confiance face à sa maladie, déjà en decembre 2004, il me donna la chance de pourvoir l'assister pour son quadruple pontage aorto-coronarien. Serge a subit plusieurs scéances de radiotherapie cerebrale qui ont permis la maitrise des metastases et donc la disparition de ses céphalées et lui a nouveau permis de pourvoir se mouvoir sans trop de difficultés. Apres 3 lignes de chimiotherapies differentes en l'espace de 14 mois,Le DR OLIVEIRO m'annonce l'echec du traitement. Nous étions toujours dans l’espoir … mais nous n’avions plus de munitions dignes de ce nom ….Nous devions nous résigner … tout en continuant à croire au miracle, parce qu’il n’en était pas possible autrement.
Avant de « narrer » les points qui me semblent essentiels pour respecter le pateint, sa famille et leurs diverses douleurs respectives dans la maladie, je vais me présenter brièvement.
Sabrina, 29 ans, auxiliaire de puericulture. Niece de Serge
Avant d’être une maman, j’ai eu la chance d être une jeune femme de nature très curieuse, plutôt sociable, et entourée , bien entourée, de multiples personnes provenant d horizons différents. Il me semble avoir cette faculté d’être à l écoute de l’ autre , des autres , et surtout , d’ avoir cette faculté à recevoir les conseils de ceux qui m’ entourent, chose importante, qui m’ aura permis d accompagner Serge jusqu’ à la fin de sa vie , à un moment même où l’on navigue dans un monde irréel. Il est alors bon d ‘ êtres entourés de bons conseils et d ‘avoir cette aptitude à les entendre, les prendre et les mettre en application.
Comprenez bien ma position.
Toutes les positions/décisions prises durant la maladie de Serge, nous les avons prises en notre âme et conscience, et surtout dans le respect des choix, des envies, des capacités physiques de Serge à les accepter, les assumer. J’ai toujours eu le soutien de mon mari et ma famille également.
Ensuite, nous sommes dans des histoires, au-delà du scientifique, tellement compliquées. Il s ‘agit de jongler avec l’Humain qui suppose tant de complexité que ce soit dans le mode de communication, le mode de fonctionnement moral, physique et émotionnel …


J’ai donc conscience aujourd’hui, que notre parcours et nos découvertes dont je vais vous faire part dans ce qui suit, sont étroitement liées à notre histoire. Rien n’est jamais simple et rien n’est jamais acquis.
Serge a été douloureux. La douleur fut physique, fut neurologique, fut psychologique. J'ai été ammené à l'annonce de la maladie à prendre part d'une discussion avec mon oncle qui m'a clairement demandé de ne pas le laisser souffrir si la maladie avait gagné du terrain. La douleur dans le parcours de Serge est intervenue de différentes façons :
Les moments de rémissions étant rares, et sa façon « symptomatique » de porter la maladie, la douleur physique fut régulièrement présente, entre chaque cures de chimiothérapies ( conjonctivite quasi permanentes, secretions bronchiques, infections cutanées, vomissments, diahrées). Fort heureusement, les aplasies pourtant fatigantes, étaient aussi des moments de délivrance…




Ramener mon oncle à la maison, c était alors le condamner à la douleur et surtout, lui mettre les 2 pieds dans son cercueil avant l’heure. La vie, dans tous les sens du terme, était anéantie.. Comment proposer alors à mon oncle un départ digne de ce nom, avec une niece qui aurait eu dans son regard celui de la résignation, celui de l’abandon ?
J’aurai alors aimé que l’on me parle de tout ce que j’ai pu découvrir finalement au fur et à mesure. de tout ce que mes amis ou quelques soignants ont apportés à Serge et moi-même pour notre soulagement mutuel dans nos douleurs respectives .
Mon oncle n'a jamais beneficier d'un traitement anti douleur efficace, dur au mal, il formulait tres peu ses attentes...
J’aurai envie de vous dire qu'un reproche que je fais au corps médical de façon général, c ‘est cette obstination à ne pas utiliser l’antidouleur en fin de vie. C’est là que mon intervention dans cette lettre prend tout son sens.
Souhaitant limiter au maximum la douleurs et souhaitant pour autant un confort optimum pour Serge, j’ai du me battre envers vous afin que mon oncle puisse s'endormir paisiblement. Je vous rappelle qu'il a été hospitalisé le lundi 23 mars 2008, sur SA demande avec un taux de saturation à 25%, un épanchement pleural bilateral, une anorexie et une incapacité à sa mouvoir même pour aller aux toilettes. La semaine précedente, j'ai utilisé des technique de massages, de relaxation pour soulager ses menbres oedemaciés.
Mon but était alors de soulager, les douleurs, les maux physiques, mais aussi plus psychologiques (angoisses et stress ) .
Alors que la matinée commençait plutôt difficilement, dès la fin de la séance de massage, mon oncle fut beaucoup plus détendu. N étant à ce moment là pas dans des douleurs physiques importantes, je ne peux apporter de garantie de soulagement à ce niveau-là. Mais une détente certaine.
Par contre, fait important, le mardi soir, veille de son décès, mon oncle ne supportait presque plus rien, sauf ma presence, je ne pouvais m'absenter sans qu'il essaye deseperement de quitter sa chambre,son lit, une forces surnaturelle s'emparait de lui à ce moment là. Il était conscient de son proche départ et comme promesse faite de rester pres de lui afin qu'il ne "meurt pas seul et sans souffrances". C’était alors pour moi la realisation de cette promesse faite 17 mois plus tot, mais aussi pour nous deux, du point de vue moral et affectif.

Prenez cela en considération pour l accompagnement palliatif.
Permettez moi également de souligner qqes autres faits.
Mon oncle a été assujetti à la douleur de façon récurrente et ce quelque en soient les origines.
Un patient douloureux, en plus de subir l‘isolement social , les privations alimentaires, de nombreuses restrictions et de nombreuses obligations, doit faire abstraction également de sa capacité à se mouvoir et donc de s ‘exprimer.
Imaginez bien la frustration dans laquelle j’étais moi-même, mais la double voir triple frustration dans laquelle pouvait être Serge lorsqu’ en chambre, il n’avait aucune possibilité de bouger, de s ‘exprimer, parce que même libérer sa colère en decidant de s'enlever le masque à oxygene afin se faire comprendre à l'equipe soignante son desir de partir avec une veritable peur de l'au dela...Tout cela, j'en été consciente, il me l'avait dit...
J’ai eu à un moment donné le sentiment de me retrouver confronté non plus à la maladie première qui était son cancer, pour laquelle j’avais des professionnels qui essayaient d ‘apporter leur aide comme ils le pouvaient… mais à un problème de détresse psychologique, pour le coup, non pris en charge du tout .
Comprenez donc bien ma position qui est de penser aujourd’hui qu’il faudrait prendre en considération ces lacunes, qui dans un premier temps , permettraient de proposer aupatient un soutien à son expression physique , quelque soit son devenir, mais pourraient également contribuer à un soutien moral , et donc probablement pas innocent dans la capacité future à guérir ou pas …. Je tiens à vous préciser qu’un discours tel que celui qui nous a été fait « la guérison de votre cancer tient à 50/50 de la chimiothérapie mais aussi d’ une part psychologique du patient et sa famille » ne peut que soutenir cette idée là du soutien moral nécessaire.
Sachez qu’en m’apercevant de la complexité du cas de Serge, mais j’imagine que cela puisse s ‘appliquer à nombre d’ autres malades, j’ ai pensé avoir recours à une psychomotricienne. Celle ci étant à l’écoute du corps du malade.
J’ai bien perçu les difficultés du corps médical à comprendre tous les maux de Serge. Et je respecte ce fait. Il est difficile d’être performant dans tous les domaines.
Force était de constater que nombre de maux étaient probablement aussi liés à un état psychologique et affectif durement touché par la maladie et tout ce qu’elle génère.
Mais pourquoi alors ne pas faire intervenir des professionnels qui sont censés êtres « qualifiés « pour ce type de démarche. S il ne s’agissait pas forcément de guérir, au moins celui d’accompagner la personne malade, en proie à des difficultés de communications parfois importantes par . Cet accompagnement contribuera probablement à soulager de certaines douleurs, et contribuerai à l ‘accompagnement, le soulagement physique et psychologique du parent, qui pourra alors également continuer à accompagner son proche dans les meilleures conditions.
Donc au final, vous avez le sentiment d‘abandon, qui associé à l’ idée du palliatif, prend encore plus d’importance.

Pour terminer, parce que le débat est long et compliqué. Je tiens à préciser que la douleur est donc physique liée plus ou moins directement à la maladie , psychologique, mais peut être générée également par tout ce que le corps doit subir comme dérèglement suite aux traitements.

Je tiens à vous repréciser mon mécontentement dans la prise en charge de la douleur psychologique, que ce soit celle de mon oncle durant les soins ( malgré la bonne volonté des infirmières ou autres auxiliaires et leurs initiatives personnelles ), durant l isolement, lors des annonces diverses et variées des résultats , lors des retours à domicile, … même si je dois reconnaître les efforts des équipes médicales.
A l ‘heure où nous entendons parler constamment de « cellules de crises psychologiques », j’ ai eu ce sentiment d ‘abandon important lorsqu’ il a fallu parfois gérer des situations tendues dans lesquelles je ne me sentais absolument pas compétente et suffisamment détachée pour trouver une solution.
Entre l’ annonce de la maladie ( pas trop mal gérée par le corps médical ) , l’ annonce des difficultés, l’ annonce du fait innommable qui est la mort prochaine de votre proche, nos obligations à prévenir nos familles, nos enfants, frères et sœurs des malades, les conduites à tenir, ce qu’il faut dire ne pas dire , à aucun moment, nous n’ avons finalement eu le sentiment d’ êtres guidés . D’êtres écoutés, oui. Mais guidés, non.

Serge est parti entourée de nous, son frere, sa belle soeur, mon mari et moi meme. Il a attendu l’arrivée de son frere, ses mots, son accord...… Une conclusion qui au delà de son côté mélodramatique, est encore un évènement, au delà de son côté « douloureux », dont je suis fiere parce que tout ce que nous avons mis en place, grâce à notre entourage, grâce à notre capacité à le concevoir, a probablement contribué au fait de pouvoir ensuite entamer un deuil dans les meilleurs conditions.
Parce que certes il y a la personne malade et son devenir.. mais lorsque celui-ci s’ en va, nous devons continuer à vivre avec cette douleur, une douleur qui ne partira pas, mais qui s’ apprivoisera ….
Et c’est en ce sens là, me semble t’ il , que la prise en charge palliative doit être améliorée.
Le confort du patient, aspect matériel mais surtout psychologique des choses mais aussi , l’ accompagnement des proches pour qu’ au final, parents et pateint aient pu se retrouver, au delà des souffrances de chacun et puissent échanger.
J’aurai tant d’autres choses à dire.
Tout cela peut vous paraître confus.
Vous serez probablement d ‘accord avec moi lorsque je disque la problématique est tellement tributaire de tants de facteurs si différents.
Si j’ai parfois des « coups de gueules » à ‘l encontre de la prise en charge des soins douloureux qui plus est et en soin palliatif d’ autant plus, sachez que je suis tout de même très reconnaissante vis à vis de chaque individu, quel qu’il soit, qui a contribué, tout le temps, à faire de son mieux , avec les moyens et le temps qui lui étaient impartis.
La seule chose que je n’accepte encore pas à ce jour, c’est le manque d ‘humilité chez le soignant, fort heureusement, peu rencontré durant ces 17 mois.
Merci d avoir tendu une oreille à cette lecture.
Je ne sais si elle vous sera utile.
Mais après avoir partagé avec d ‘autres personnes endeuillés comme moi, je me rend compte de ma chance, de tout ce qui a contribué à ce que Serge et moi puissions avoir eu le temps et la possibilité de partager l’essentiel, une relation inconditionnielle, qui aura contribuée à un départ serein de Serge, enfin je l'espere. Pour mon mari et moi même, continuer notre route avec le moins de regrets et de culpabilité possible, et assumer une nouvelle épreuve, celle du deuil, dans les meilleures conditions.
Sabrina

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